Elisabeth Simard

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DESSINER LIBREMENT

Tranche d'hier soir.

« Maman, ne me dit pas que je suis bon svp. Ça ne m’aide pas. Mme L. me le dit tout le temps à l’école et ça ne me fait pas me sentir bien. Je n’ai plus de plaisir quand je dessine. C'est rendu que j’ai peur. »

Depuis quelques semaines, P ne veut plus dessiner. Lui qui dessine tous les jours depuis qu’il est tout-petit par pur plaisir. Il s’installe puis bloque devant sa feuille, dit qu’il a peur, qu’il est nul 💔

À la maison, nous faisons un effort depuis leur naissance pour ne pas louanger nos enfants pour tout et rien. J’ai parlé souvent ici de protéger leur motivation intrinsèque et d’utiliser plein d’alternatives à nos « bravo » automatisés. Nous louangeons le plaisir, l’effort, l’application, le processus et la fierté personnelle au lieu des « c’est beau, t’es bon, bravo ». Du mieux qu’on peut évidemment. Et ça ne veut pas dire de ne jamais dire bravo non plus, tout est nuance.

L’autre jour, devant son blocage vraiment très très intense, j’ai glissé hors de ma conscience et je lui ai dit qu’il était bon, de pas s’en faire. Ça a sorti tout seul parce que…Ben il est bon pour vrai en dessin alors j’ai pas réfléchi. C’était plus facile d’être neutre quand il avait moins de skills disons 🤣

Évidemment, il a éclaté en méga ultra crise de larmes et de colère. Ça ne l’a pas rassuré du tout, et je n’étais pas du tout surprise. C'est resté comme ça, on s'est collé mais il n'a pas dessiné. C'est ok.

Hier soir, devant notre petit projet créatif commun, il a bloqué à nouveau, s'est mis à pleurer et à dire qu’il se sentait incapable, figé. J’ai expiré longuement, je suis entrée dans le moment présent et j’ai accueilli. Je lui ai montré que je comprenais comment il se sentait et lui ai rappelé le plaisir pur de dessiner. Puis il m’a sorti cette perle : le fait que des personnes à l’école lui disent très souvent qu’il est très bon, que ses dessins soient utilisés comme modèle pour aider les autres, que tout ça, le dérangeait. Et que moi, l’autre jour, je lui dise qu’il était bon (juste une fois! tsé!) lui mettait une pression énorme et le terrorisait.

Il voulait retrouver son plaisir.

Et je me suis rappelée. La pression que ça me mettait de me faire dire que j’étais bonne en art. Je détestais ça. Je voulais juste qu’on me laisse créer, me perdre dans mes couleurs, sans regard par dessus l’épaule, sans commentaires ni jugement même positif. JUST LET ME BE.

Je lui ai partagé comment je me sentais comme lui quand j’étais petite. J’ai senti ses épaules se détendre, son regard s’adoucir. Il a pris ses crayons et s’est adonné à son passé temps préféré sans pression, sans attente, fier et satisfait de lui, pour lui.

Des alternatives au bravo et aux « tu es bon », « good job » et autres louanges, il y en a plein et c’est vraiment porteur pour protéger cette précieuse intégrité et motivation profonde que portent ces beaux humains qu’on accompagne. Pour approfondir la question, je l’aborde dans Fratrie en Harmonie et dans l’atelier co-créé avec @juliehermanl.art Parentalité et Créativité (qu’on pense redonner en 2023! Stay tuned !). Prenons soins de leurs pulsions précieuses à eux. Elles leur appartiennent <3